vendredi 24 février 2012

En vrac

Départ bordélique 


Il y a tellement de choses que je laisse ici
Tellement que je ne vous ai pas raconté, toutes ces petites touches qui font cette terre si attachante pour moi.

Naplouse, plus belle ville du monde
Il y a les rues du camp le soir quand tout deviens plus calme, le bruit des groupes électrogènes lors des pannes d'électricité. Les histoires d'amour et d'embrouille entre les ados volontaires, que je suis comme un feuilleton. Les charrettes plateaux qui débordent de fraises a l'angle des rues de Naplouse. Les policiers qui dansent aux milieux des voitures. Les séances de devoirs et la patience des mères. Les coquelicots improbables sur le bord des champs comme des gouttes de feu dans cette nature qui ne s'est pas encore réveillée de l'hiver. Le match de foot que les adolescentes du camp d 'Ascar ont gagné cette semaine. Les blagues que l'on se fait avec Youssef et Maher quand je décide un matin de devenir grande prêtresse de la météo. Le pain chaud de la grand mère. Le sourire d' Anan quand je l'appelle superman. La beauté des soeurs de Mohamed. Les ateliers avec les enfants. Les parties de cartes où l'on triche. Les films que je regarde avec les autres mais dont je ne comprend pas un mot. Les petits pas avec le poulain et la jument. Tous ces plats extra-ordinaires que l'on me fait découvrir.La bienveillance des gens avec moi. Les soirées d'ébullition quand les jeunes se confrontent avec l'armée en bas du camp.. Il y a mes familles d'acceuil qui m'ont si bien accueillie, celle de Naji qui m'a tant apprise. Le respect que l'on me porte quand je parle de mon voyage, sans jamais me dire "Tu verra plus tard tu te posera, moi aussi quand j'étais plus jeune"..
Il y a cette volonté de croire encore que nous changerons ce monde contre un meilleur...






mardi 21 février 2012

le vent nous portera


          Bon ce coup ci ...
... j'ai eu beau regarder ailleurs, feindre de ne pas entendre les questions a ce sujet, oublier de consulter un calendrier, ect... cette fois ci ça sent le départ.
Sérieusement.

Et je n'ai pas envie
                Oh non !  Pétain , j'ai pas envie...
on ne peux même pas dire que j'y aille a reculons, plutôt traînée par le visa !

          Inextricablement la date arrive : au premier mars je doit être partie.
Et comme chaque fois que mes actes sont dictés par autre chose que par mes envies ou la nécessité, je me sens acculée, mal ... Je ne sais décidément pas me plier aux lois que je trouve absurdes sans en souffrir de tout mon être.
Je hais ces lois je hais ces frontières.


          Surtout que, devinez quoi : j'ai pas trouvé de bateaux.. encore une fois..
A ma décharge je peux tout de même dire qu'il n'y en a pas, ni au départ d'Egypte, ni au départ d'Israel, ni ferries, ni bateaux particuliers.. J'ai sillonner les sites de convoyages dans tous les sens rien !
Que me restait il comme option ? La terre : au nord Irak et Syrie, tout a fait impossible de passer, les frontière sont fermées. Au sud le Soudan puis le Tchad et le Niger pour rejoindre le Burkina. Ça me faisait un peu peur au début mais finalement,  à force de me renseigner j'ai vu que le nord Soudan pouvait être tranquille, que le Tchad est un pays pauvre mais qui a l'air magnifique..
Une fenêtre qui s'ouvre !

 .. jusqu'à ce que j'apprenne qu'il est impossible d'entrer au Soudan avec un visa Israélien sur son passeport...


          Alors encore  une fois au pied du mur, un billet d'avion est pris pour rejoindre Bamako depuis Le Caire, et de là j'irais en stop vers la Burkina...
Je hais ces lois, je hais ces frontières.

Ces histoires d'avions me sont bien plus douloureuses que ne peuvent le décrire mes mots, mais savoir que mon voyage ne s'arrête pas là me sauve...

donc
dernière ligne droite
pourtant rien n'est rectiligne ici
encore quelques souffles de ce froid du soir
encore quelque cris d'enfants dans cette cour
encore quelques bouffées d'air sur cette colline
encore quelques mots d'appris pour faire du sens
encore quelques appels a la prière pour me chanter l'heure
encore un peu de répit en fait : 5 jours.. et après la route reprend direction l'Egypte
..
pendant ce temps dans ma tête résonnent les paroles de  A l'envers ,a l'endroit de Noir Désir

samedi 11 février 2012

Decalage horaire

15h

          Un sourire passe sur le visage d'Anan lorsqu'il m'entend demander une clope.
Je ne fume pas, tout le monde le sait parfaitement.
-"Un peu stressée, hein? "
-"Un peu, oui "
... pas mal même.. Ce dimanche c'est un peu pour moi " l'heure de vérité ".

Mais c'est surtout la nuit qui fut rude, qui me colle au ventre..
          Intercontinental Hôtel un samedi soir...
Envie de vomir ce que je découvre de plus en plus. 

Ce décalage

          Intercontinental Hôtel un samedi soir... 
Inter continents... 
Alors comme ça ici on fait des ponts par dessus les mers ? 
Mais on ouvrira pas la porte a ses propres voisins s'ils n'ont pas le porte monnaie a l'européenne.

          Foutue société de classes, ici comme ailleurs..

          Ici les riches règnent en maîtres, les occidentaux sont chez eux. 
Laisse ta politique au vestiaire, tu es la pour prendre du bon temps...
La personne qui m'invite ne comprend pas pourquoi je "m'obstine" a vivre a Dheishe. 
" Tu t'éclates vraiment la-bas? "
Le mépris évident de sa question me laisse silencieuse... 
Selon lui ce n'est pas un endroit où rencontrer qui que ce soit d'intéressant puisque les gens y sont incultes, souvent violent, feignants, sectaires, communautaristes, ne font rien pour s'en sortir et que la vie y est ennuyante..
Rien que ça ... et sans aucuns préjugés bien sur!
         . Mais je dois remercier ce jeune homme car c'est en le côtoyant depuis bientôt deux mois que j'ai compris comment sont perçus les camps de réfugiés par le reste de la société Palestinienne:

          Grandement aidé par le discours des médias, les camps de réfugiés de Cisjordanie sont de plus en plus perçus comme le sont les quartiers dit "sensibles" (autrement dit banlieues) en France.Chômage, violence, confrontation avec la police, ect. sont autant de problèmes qu'on retrouve dans les deux cas et qui sont sources de bien des préjugés.

Tout comme en France donc, on attribue ici bien des problèmes aux jeunes des camps, sans prendre en compte les conditions de vie pourries qui en sont la raison :
 énorme concentration de population, logements précaires et entassés, pas d'espaces verts, proximité immédiate avec tes voisins, absence de perspective d'avenir intéressante (ou d'avenir tout court) , discrimination par le reste de la population, surveillance des forces de l'ordre bien plus marquée qu'ailleurs, contrôles et arrestations arbitraires fréquents, répression beaucoup plus forte et violente qu'en ville, ect..
On considère les problématiques qui y sont liées comme venant de la population qui y vit plus que du cadre en lui-même.
Le parallèle est criant.
... et les médias jouent le même jeu des raccourcis gentils/méchants : ouverts d'esprit-européanisés contre radicaux-traditionalistes.
Et puisque les réfugiés ne peuvent se satisfaire de leurs conditions de vie, ils ne lâchent pas la lutte, ce qui en fait des ennemis pour l'Autorité Palestinienne qui tend, elle, vers la collaboration et la "normalisation" de la situation.
Alors pointer les jeunes des camps (ou banlieues au choix) comme étant le problème c'est très arrangeant.
Encore une fois on criminalise ceux qui se politisent un peu trop.
Ça ne vous rappelle rien vous?
(...)
rage

          Intercontinental Hôtel ce samedi soir ...

À 25 shekels l'entrée aucuns de mes potes n'aurait pu venir.
Les seules personnes issues d'un camp de réfugiés que je croiserais sont serveurs ou vigiles...
Cet endroit a un sale goût de lieux d'expos branchés où l'on voit des photos des favelas de Rio mais où l'on s'affole quand se pointe des jeunes des quartiers populaires .. 
Je me sens mal a l'aise. 
Les conversations m'ennuient alors que pour une fois je les comprends puisque tout le monde se parle en anglais. Dans la jeunesse dorée si tu n'as pas étudié a l'étranger tu as au moins été au lycée américain... 
On me pose quelques questions, je deviens vite "exotique" avec mon périple en stop, mais je me sens asociale, seule la musique m'intéresse. 
Finalement pas envie de faire des ponts...
On me drague assez clairement et je ne sais plus ou me mettre. J'ai pris goût a la pudeur des gens du camp, a ne pas faire la bise, a garder les manches plutôt longues, ect.. 
-Moi qui suis souvent vue comme féministe !-
C'est qu'il y a quelque chose de sécurisant dans un cadre, aux moins tu connais tes limites.
Ici je ne suis pas a ma place.

          
          Je rentre tard mais soulagée de revenir au bercail .
Je vole quelques heures de sommeil avant d'être sur le pied de guerre pour ce dimanche "Circus Show".

10h
Deux questions turlupinent ma petite tête ce matin tandis que je profite du soleil miraculeux devant le centre:
Combien d'enfants vont venir 
et a quoi ais-je oublie de penser ?

C'est la première chose qui se passe entièrement a mon initiative ici.
Il y a trois jours, début de l'angoisse en me rendant compte que les affiches et les centaines de tracts etaient toujours poses sur le bureau.. les volontaires avaient un peu "oublié" de faire la com...
Détail ...
Detail un poil embêtant lorsqu'on sait que la troupe de cirque fait 3H de trajet aller-retour, sur leur seul jour de congés, pour venir faire la représentation gratuitement, en ayant comme seule demande qu'il y ai le plus d'enfants possible....!

13h
Le centre est si calme.. désert.. ça en devient flippant
On dispose quand même 150 chaises sans savoir si elles seront occupées...
Et puis l'estrade me parait petite tout a coup. Bon on verra.
Et merde, on a oublie de leur prévoir des sandwishs..

16h
Les enfants arrivent par vagues de 4 ou 5
Je suis heureuse de les voir, j'en reconnais certains
Le spectacle est dans une 1/2h, pas de trace des circassiens..
(...)
Quand leur camion débarque enfin  c'est la pagaille totale, un bordel monstre !
Je compte sur les volontaires, qui eux, comptent sur moi..



un triporteur, quatre clowns acrobates, une énergie qui nous éclabousse...
   



Bilan:
Plus de cinq cent personnes sont venues
Un bon quart n'a rien suivi mais était de toutes façons plus là pour voir les potes 
Tout le monde a paru très content de partager ce moment
Surtout les volontaires, allant et venant bras-dessus bras-dessous (on les aurait cru a la boum de fin de colo), oubliant un peu trop les mômes, aidant ainsi au bordel ambiant.
Et même les circassien, épatants, qui ont réussi je ne sais comment a finir leur spectacle, m'ont dit qu'ils étaient ravis d'être venus !
 Moi je suis fière de cette réussite malgré les petits défauts. 
Finalement un vrai travail d'équipe qui offre un super moment populaire.


Victoire









..et des centaines de sourires et de paires d'yeux grands ouverts  !

mercredi 1 février 2012

Ecrit sur un tronc d'olivier, poeme

Parce que je ne file pas la laine                            La marque de toutes les menottes
Parce que je suis chaque jours                             Fermées sur mes poignets
Aux mandats d'arrêts                                           Les bottes de mes gardiens
Et ma maison exposée                                        Chaque juron                                 
Aux descentes de polices                                     Versé sur ma tête                         
Aux perquisitions                                                Et je graverai                                   
Aux "opérations de nettoyages"                            Kufer Qassem                 
Parce que je suis dans l'impossibilité                    Je n'oublierais pas             
D'acheter du papier                                              Et je graverai                              
Je graverai tout ce qui m'arrive                            Deir Yassine                   
Je graverai tous mes secrets                                Ton souvenir me dévore                     
Sur un olivier                                                       Et je graverai                                             
Dans la cour de ma maison                                   Nous avons atteint le sommet de la tragédie
Je graverai mon histoire                                       Nous l'avons atteint
Et les volets de mon drame                                  Je graverais tout ce que me dévoile le soleil
Et mes soupirs                                                      Me murmure la lune
Sur mon jardin                                                     Ce que me narre la tourterelle
Et les tombes de mes morts                                  Sur le puits
Et je graverai                                                       Dont les amoureux ce sont exilés
Toutes les amertumes                                           Pour m'en souvenir
Qu'effacera le dixièmes des douceurs futures         Je resterais debout a graver
Je graverais le numéro                                          Tous les volets de mon drame
De chaque arpent spolié de notre terre                   Et toutes les étapes de la défaite
L'emplacement de mon village, ses limites              De l'infiniment petit
Les maisons dynamitées                                        A l'infiniment grand
Mes arbres déracinés                                             Sur un tronc d'olivier
Chaque petite fleur écrasée                                    Dans la cour
Les noms de ceux qui ont pris plaisir                      De ma maison
A détraquer mes nerfs et mes souffles                          Tawfiq Zayyad,
Le nom des prisons                                                     Extrait de
                                                                                        Enterrez vos morts et levez vous


on parle d'un million et demi d'oliviers
que les forces d'occupation israéliennes (colons et armée) auraient brûlés ou déracinés depuis 2000