15h
Un sourire passe sur le visage d'Anan lorsqu'il m'entend demander une clope.
Je ne fume pas, tout le monde le sait parfaitement.
-"Un peu stressée, hein? "
-"Un peu, oui "
... pas mal même.. Ce dimanche c'est un peu pour moi " l'heure de vérité ".
Mais c'est surtout la nuit qui fut rude, qui me colle au ventre..
Intercontinental Hôtel un samedi soir...
Envie de vomir ce que je découvre de plus en plus.
Ce décalage
Intercontinental Hôtel un samedi soir...
Inter continents...
Alors comme ça ici on fait des ponts par dessus les mers ?
Mais on ouvrira pas la porte a ses propres voisins s'ils n'ont pas le porte monnaie a l'européenne.
Foutue société de classes, ici comme ailleurs..
Ici les riches règnent en maîtres, les occidentaux sont chez eux.
Laisse ta politique au vestiaire, tu es la pour prendre du bon temps...
La personne qui m'invite ne comprend pas pourquoi je "m'obstine" a vivre a Dheishe.
" Tu t'éclates vraiment la-bas? "
Le mépris évident de sa question me laisse silencieuse...
Selon lui ce n'est pas un endroit où rencontrer qui que ce soit d'intéressant puisque les gens y sont incultes, souvent violent, feignants, sectaires, communautaristes, ne font rien pour s'en sortir et que la vie y est ennuyante..
Rien que ça ... et sans aucuns préjugés bien sur!
. Mais je dois remercier ce jeune homme car c'est en le côtoyant depuis bientôt deux mois que j'ai compris comment sont perçus les camps de réfugiés par le reste de la société Palestinienne:
Grandement aidé par le discours des médias, les camps de réfugiés de Cisjordanie sont de plus en plus perçus comme le sont les quartiers dit "sensibles" (autrement dit banlieues) en France.Chômage, violence, confrontation avec la police, ect. sont autant de problèmes qu'on retrouve dans les deux cas et qui sont sources de bien des préjugés.
Tout comme en France donc, on attribue ici bien des problèmes aux jeunes des camps, sans prendre en compte les conditions de vie pourries qui en sont la raison :
énorme concentration de population, logements précaires et entassés, pas d'espaces verts, proximité immédiate avec tes voisins, absence de perspective d'avenir intéressante (ou d'avenir tout court) , discrimination par le reste de la population, surveillance des forces de l'ordre bien plus marquée qu'ailleurs, contrôles et arrestations arbitraires fréquents, répression beaucoup plus forte et violente qu'en ville, ect..
On considère les problématiques qui y sont liées comme venant de la population qui y vit plus que du cadre en lui-même.
Le parallèle est criant.
... et les médias jouent le même jeu des raccourcis gentils/méchants : ouverts d'esprit-européanisés contre radicaux-traditionalistes.
Et puisque les réfugiés ne peuvent se satisfaire de leurs conditions de vie, ils ne lâchent pas la lutte, ce qui en fait des ennemis pour l'Autorité Palestinienne qui tend, elle, vers la collaboration et la "normalisation" de la situation.
Alors pointer les jeunes des camps (ou banlieues au choix) comme étant le problème c'est très arrangeant.
Encore une fois on criminalise ceux qui se politisent un peu trop.
Ça ne vous rappelle rien vous?
(...)
rage
Intercontinental Hôtel ce samedi soir ...
À 25 shekels l'entrée aucuns de mes potes n'aurait pu venir.
Les seules personnes issues d'un camp de réfugiés que je croiserais sont serveurs ou vigiles...
Cet endroit a un sale goût de lieux d'expos branchés où l'on voit des photos des favelas de Rio mais où l'on s'affole quand se pointe des jeunes des quartiers populaires ..
Je me sens mal a l'aise.
Les conversations m'ennuient alors que pour une fois je les comprends puisque tout le monde se parle en anglais. Dans la jeunesse dorée si tu n'as pas étudié a l'étranger tu as au moins été au lycée américain...
On me pose quelques questions, je deviens vite "exotique" avec mon périple en stop, mais je me sens asociale, seule la musique m'intéresse.
Finalement pas envie de faire des ponts...
On me drague assez clairement et je ne sais plus ou me mettre. J'ai pris goût a la pudeur des gens du camp, a ne pas faire la bise, a garder les manches plutôt longues, ect..
-Moi qui suis souvent vue comme féministe !-
C'est qu'il y a quelque chose de sécurisant dans un cadre, aux moins tu connais tes limites.
Ici je ne suis pas a ma place.
Je rentre tard mais soulagée de revenir au bercail .
Je vole quelques heures de sommeil avant d'être sur le pied de guerre pour ce dimanche "Circus Show".
10h
Deux questions turlupinent ma petite tête ce matin tandis que je profite du soleil miraculeux devant le centre:
Combien d'enfants vont venir
et a quoi ais-je oublie de penser ?
C'est la première chose qui se passe entièrement a mon initiative ici.
Il y a trois jours, début de l'angoisse en me rendant compte que les affiches et les centaines de tracts etaient toujours poses sur le bureau.. les volontaires avaient un peu "oublié" de faire la com...
Détail ...
Detail un poil embêtant lorsqu'on sait que la troupe de cirque fait 3H de trajet aller-retour, sur leur seul jour de congés, pour venir faire la représentation gratuitement, en ayant comme seule demande qu'il y ai le plus d'enfants possible....!
13h
Le centre est si calme.. désert.. ça en devient flippant
On dispose quand même 150 chaises sans savoir si elles seront occupées...
Et puis l'estrade me parait petite tout a coup. Bon on verra.
Et merde, on a oublie de leur prévoir des sandwishs..
16h
Les enfants arrivent par vagues de 4 ou 5
Je suis heureuse de les voir, j'en reconnais certains
Le spectacle est dans une 1/2h, pas de trace des circassiens..
(...)
Quand leur camion débarque enfin c'est la pagaille totale, un bordel monstre !
Je compte sur les volontaires, qui eux, comptent sur moi..
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un triporteur, quatre clowns acrobates, une énergie qui nous éclabousse... |
Bilan:
Plus de cinq cent personnes sont venues
Un bon quart n'a rien suivi mais était de toutes façons plus là pour voir les potes
Tout le monde a paru très content de partager ce moment
Surtout les volontaires, allant et venant bras-dessus bras-dessous (on les aurait cru a la boum de fin de colo), oubliant un peu trop les mômes, aidant ainsi au bordel ambiant.
Et même les circassien, épatants, qui ont réussi je ne sais comment a finir leur spectacle, m'ont dit qu'ils étaient ravis d'être venus !
Moi je suis fière de cette réussite malgré les petits défauts.
Finalement un vrai travail d'équipe qui offre un super moment populaire.
Victoire
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..et des centaines de sourires et de paires d'yeux grands ouverts ! |