lundi 2 avril 2012

...

Bon...
Je le savais avant de commencer ce blog : il y a des choses que les mots ne parviendront pas à transporter, des choses que je ne pourrais faire partager à personne...J'en prend encore plus conscience aujourd'hui ..


J'écris pour donner des nouvelles :

je vais bien
Ce fut simplement trop court...
petit tour sur le net après plusieurs jours loin de la fourmillière...
Je pars demain vers la Mali.
No inquiètude


J'écris pour raconter :
...




*

Je parti en brousse, donc..
Il me fallait aller retrouver le Burkina Faso, "pour de vrai "

*

Madou et Maryam 
Calée derrière Madou sur sa moto, direction son village : Mé.
Je passais les trois premiers jours dans une inertie casi totale. La cour de la famille, qui est au bas d'une falaise au milieu de la brousse, fut mon territoire, je ne la quittait pas, ayant perdu d'un coup tout envie d'exploration.
Je me trainais d'une chaise à l'autre au grès de nos discussions et du soleil qui tourne...Presque immobile...
La chaleur aidait grandement mon immobilisme, mais il y avait quelque chose d'autre que je n'arrivait pas à définir. Retrouver un territoire ce n'est pas comme courir l'un vers l'autre au ralenti sur la plage.. chez moi ça ressemble plus à un atterrissage.
Plusieurs fois j'eu l'envie d'écrire.
J'allais chercher mon carnet puis retournais m'asseoir à l'ombre mais chaque fois mes pages restaient vides. Incroyablement vide.
Les petits carreaux s'alignaient insolemment devant moi alors qu'autour tout restait à décrire.

Au matin du quatrième jour je partis à pied, seule, bien décidé à aligner au moins quelques mots. J'allais jusqu'à une source au bas de la falaise espérant ombre, solitude et inspiration. Je marchais comme titubant, me sentant d'une grande faiblesse.
Arrivée dans la fraîcheur de la source, à l'ombre des arbres, saoulée de soleil, je m'écroulais (presque) sur une grande pierre plate..
Je ne saurais dire combien de temps je suis resté là, en demi-sommeil...

Peu à peu je me suis "éveillée" et ai commencé à prendre conscience de tout ce qui m'entourait....
Dans mes oreilles se mélait le chant d'oiseaux invisibles au bruit du vent dans les feuilles...
Devant mes yeux, sur l'eau, se dansait un ballet magnifique, presque au ralenti... quelques feuilles mortes filant comme des bateaux, en équilibre sur leurs tranches, croisant de petites fleurs blanches tournoyant sur elles-même en déssinant de petits ronds. Juste au dessus planait d'incroyables graines parachutes aux longs poils blancs, entre étoiles et animaux féeriques ...
Lentement j'inspectais mon environnement du regard et pris conscience que, loin des décors l'imitant, j'avais retrouvé la Nature.. sauvage..
Elle se laisse donc parfois approcher...
Je découvris une faune et une flore incroyable, toute proche, dans les arbres, sur les pierres alors qu'à quelques dizaines de mètres de l'oasis la sécheresse faisait rage..
Des dizaines d'oiseaux, peut être des centaines ! Certains petits, aux longs becs fins, les plumes grises et oranges. D'autres étonnants, arborant un rouge feu éclatant sur la gorge et le ventre. Un oiseau beige et brun si gros qu'il me fit sursauter. Des pigeons roses et bleus. Un groupe d'oiseaux d'un noir brillant se chamaillant en plein vol...
Et puis..un écureuil gris courant ventre à terre pour se réfugier au sommet d'un arbre, d'autres se poursuivant sur un tronc, quelques libellules, de grands papillons blancs et de petits jaunes tachetés de brun, des lézards de toutes tailles aux couleurs variée : marrons, gris, à têtes jaunes, verts, oranges, la gorge zébrée de bleu éléctrique, ect..
Je restait là.
Admirative.
Au fur et à mesure que les heures passaient je me sentais de plus en plus chez moi près de cette source.
 Je m'y lavais un peu, me promenais aux alentours, chantais, dansais même..
Pieds nus sur les rochers, j'avais l'impression d'être en train de me "recharger".
De me remplir.
D'avaler en moi tout ce "vrai".
Je me rendis compte que, durant presque 5 mois, mon voyage m'avait tenu éloigné de la terre, de la nature, et que ça m'avait manqué ...
Infiniment.

Sur la route du retour je trouvais même quelques fruits sauvages que j'emportais avec moi, espérant qu'ils soient comestibles... Je me sentais Robinson Crusoé à ses plus belles heures..

*

Après Mé, je voulais retrouver Borodougou
Ce village qui fut un peu un "chez moi" pour quelques mois lors de mon premier voyage.
Là bas vivent Batiste et sa famille, en ce moment restée en France, des amis qui portent pas mal de projets au traver d'une association implantée localement .

J'arrivais en stop, sacrément fière de mon coup et toute heureuse de reconnaitre le chemin, les arbres, les paysages. Sur place je fis la connaissance d'un groupe de jeunes (ados et enfants) venus "prendre l'air"avec leur école, de leur vies françaises pleines de bosses  ... Je reçue la bourrasque de leur rencontre en pleine figure  et elle me fit du bien. 
Encore une fois m'était offert l'opportunité parfaite pour relativiser...
Contraste détonant entre ce groupe du Pas de Calais et les jeunes du villages. J'admirais les couleurs de leurs échanges et me régalait de n'être que de passage, légère, entre les noeuds.

Cette belle, journée qui se transforma vite en deux puis trois, me rendit souriante et motivée pour la suite.
Je retrouvais la case que nous occupions avec Celmish et fut pris de nostalgie en m'y installant.... Combien d'après-midi belote ont pu se jouer sur cette terrasse? Combien d'heures à admirer la brousse, à débattre du monde... 
Devant ces souvenirs je pris la mesure de ma solitude..
"Mais la route est belle et elle n'est pas finie" ...

Le jour de mon départ fut un dimanche et je décidais de me rendre à la messe pour y voir une amie chanter. Bien sûr je me trompais de route et d'Eglise...  finalement, deux heures durant, dans la sueur et les boubous brodés, j'assistais à une messe magnifique, pleine de chants à la gloire de Jésus plus entrainants encore que le gospel, de danses libres au milieu des allées, d'improvisations de djembé dans tous les sens au milieu d'une petite paroisse de campagne... 
Inoubliable tableau qui m'arrivait comme un présent de la vie pour me murmurer qu'il y avait encore bien des choses à partir découvrir.
*

Et
après deux ans d'attente, je pris enfin ce mini bus dont j'avais révé tant de fois....
Enfin.
Mon sourire s'agrandissait au fur et à mesure qu'il avalait vaillamment les kilomètres, débordant d'humains et de marchandises.
Enfin.
Retrouver le Vieux Coulibaly.

A mon arrivée, pas de roulements de tambours mais son sourire, si beau, le plus beau des cadeaux.
69 ans cette année et il rayonne toujours tellement... peut être que les Etres de lumière ne s'éteignent jamais..

Je retrouvais avec délice cet homme, sa famille, son village, ses histoires.

En l'espace de quelques jours tout pris sa place comme si j'étais un membre de cette famille depuis toujours.. Je passais énormément de temps avec les enfants et, comme d'habitude, ce sont eux qui m'apprirent l'essentiel, sans juger ni condamner mon éternelle ignorance.
Ils m’initièrent à l'art de chasser les mangues tombées en pleine nuit, à reconnaître un fruit mûr d'un qui me rendrait malade, à récolter les anacardes (noix de cajou) au champ, à porter une bassine en équilibre sur ma tête, et bien d'autres choses..
Je priais pour qu'ils m'adoptent comme l'une des leurs et me laissent un peu approcher leur monde de pirates inconscients dérobant du bonheur à la face du monde alors qu'on ne les a même pas compté dans le "grand partage". 
Quelle jolie revanche par ceux à qui la mondialisation ne laisse que quelques miettes humanitaires et la "dette" en héritage: faire cohabiter ainsi dans l'harmonie trois religions et autant de générations, alors que les pilleurs en costards se gavent d’anxiolytiques, se noient dans la terreur de l'autre ne sachant plus qui est l'ennemi et finissent par vomir leur écran plat qui les laissent, malgré tous les pixels du monde, seuls.

J'enviais à ces enfants leur force innocente, pas une seconde leur situation.
Je ne rêve ni de manquer d'eau, ni de connaître la faim, ni de rêver un visa que je n'aurais jamais, ni que les mômes de "chez moi" aillent apprendre à l'école dans une langue qu'ils ne maîtrisent pas et qui est celle de la colonisation... 
 -Mort aux mythes du "bonheur simple des africains" et du "bon sauvage"-

Ces quelques jours chez le vieux Coulibaly furent évidement trop courts. 
Ils nous laissèrent à peine le temps de nous retrouver, de mesurer, ensemble, le temps écoulé. Chaque heure passé me rapprochait de l'indéfinissable paix qu'il m'avait semblé laisser là en partant il y à deux ans.
Prendre le temps de regarder autour de soi, de ne rien se dire, de parler avec passion des poules, des chèvres, de la météo.
Un après-midi nous partîmes en expédition mangues à confiture et, sur la route, assise derrière lui sur sa mob, je me fis la réflexion que mon voyage pouvait s’arrêter là. J'avais accompli mon objectif. 
J'admirais de dos cet homme : costume impeccablement lavé mais usé jusqu'à la corde, chapeau visé sur la tête et lunettes de soleil ridicules décorant le tout (offertes par une amie française)... Il était admirable... et ça , être digne d'admiration, ce n'est pas courant ...

A peine retrouvés il fallut séparer nos routes .... mais seulement jusqu'à mon prochain passage
Puis retrouver Bobo, l'agitation de la grosse ville qui comme toutes ces semblables va trop vite pour moi.


*


De temps à autre une radio branchée a RFI  me donnait des nouvelles, d'un jeune homme qui abatait des enfants pour en venger d'autres, du pays voisin qu'on coup d'étate, d'un président Syrien avec lequel il aurait fallu "dialoguer",de quatorze mille réfugiés Soudanais que l'on déplacaient à nouveau pour ne pas finir atomiser...
de quoi alimenter nos discutions mais pas de quoi s'affoler au fond...
...ce ne sera pas le dernier putch de l'histoire africaine, ça n'est pas le premier massacre que l'on camouffle pour protéger les intérêts des puissants et ça n'est même plus surprenant que certains se rabbattent sur la violence face au silence collectif...
Quoi que la folie des hommes provoque ça n'apportera pas la pluie...

*

5 commentaires:

  1. tu nous laisse sur notre faim...
    mais content de te savoir en bonne santé

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  2. c'est long le silence sans tes mots. Peut-être que tes impressions du Burkina viendront plus tard. Quelquefois il faut laisser du temps pour que ça sédimente... Prends soin de toi.

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  3. Vers le Mali?! Vraiment? maintenant? Heu...
    Tu y es? Tu en es où?
    Servane

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  4. Bonjour Valentine,
    J'espère que tout va bien pour toi, que le Mali passe vite, vu les "événements" là-bas. Dis-nous vite.

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  5. Oh la coquine. Mais j'ai bien failli ne pas le voir ce beau récit sur ton voyage burkinabé, rajouté après celui sur le Mali ! Bien cachée la perle ! Méfiez-vous lecteurs assidus du blog, la pirate nous fait des crasses, façon chasse à l'oeuf dans le jardin. En même temps, il y a là des phrases qui se méritent.. eh ben dis donc toi, quand tu sédimentes, tu sédimentes ! Enormes bisous d'amour tout fier et tout retourné. Maman

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